Les « climato-réalistes » face au GIEC : un combat scientifique ou politique ?
A quelques semaines de l’ouverture de la Conférence sur le climat de Paris, les opposants aux thèses du réchauffement climatique liés aux activités humaines s’organisent en France. Jusqu’à maintenant, éparpillés, ils commencent à se structurer, avec le lancement du «collectif des climato-réalistes ».
Un moyen de clarifier le débat et de mieux éclairer les citoyens ? Pas vraiment. Avec cette initiative, les opposants au « consensus » tombent dans les travers qu’ils reprochent à leurs adversaires.
Les parties en présence
Les initiateurs du « collectif des climato-réalistes », composé d’individus et d’associations, évoquent une « peur irrationnelle », « œuvre d’une bureaucratie climatique » dont l’intérêt serait « d’aller toujours plus loin dans l’outrance et les prophéties de malheur ». Leur adversaire désigné est donc bien le GIEC (groupe d’experts inter-gouvernemental sur l’évolution du climat) et la médiatisation de ses rapports alarmistes. Le but du collectif : favoriser le retour à la raison dans le regard commun sur le climat. Il se propose « d’organiser diverses manifestations et de promouvoir des initiatives qui porteront un regard alternatif au discours dominant ».
Créé en 1988, le GIEC est un organisme inter-gouvernemental, ouvert à tous les pays membres de l’ONU. Il a pour mandat « d’évaluer, sans parti pris et de manière méthodique et objective, l’information scientifique, technique et socio-économique disponible en rapport avec la question du changement du climat ».
La vidéo ci-dessous explique le fonctionnement du GIEC :
Quelle « vérité » scientifique ?
Les « climato-réalistes » arguent de « l’absence de tout réchauffement statistiquement significatif à l’échelle de la planète depuis maintenant près de vingt ans ». De plus, ils font valoir « la hausse modérée et sans accélération du niveau de l’Océan depuis un siècle, la stabilité de la banquise à l’échelle globale ou encore la baisse de l’intensité cyclonique ». Ces affirmations s’appuient sur différents travaux de chercheurs reconnus. Il s’agit notamment de Benoît Rittaud (mathématicien, université Paris-13, Sorbonne-Paris-Cité), István Markó (chimiste, université catholique de Louvain), tous deux membres du Comité scientifique du collectif des climato-réalistes, ou encore de Vincent Courtillot (Géophysien de l’Institut de physique du globe de Paris) et Claude Allègre.
Pour leur part, les rapports du GIEC, toujours plus alarmistes, mettent en évidence la force du lien qui existe entre émissions de gaz à effet de serre et réchauffement climatique. Au terme du dernier rapport rendu, fin 2014, « il est extrêmement probable [une probabilité de 95% à 100%] que les activités humaines sont responsables de plus de la moitié de l’augmentation observée de la température moyenne à la surface du globe entre 1951 et 2010 ». De plus, le GIEC prévoit une hausse des températures de 0,3 à 4,8° d’ici 2100.
Les opinions dissidentes sont-elles prises en compte ?
Pour parvenir à ces conclusions consensuelles, le travail du GIEC s’appuie sur un processus sophistiqué d’écriture et de relectures, qui prend en compte les avis et commentaires de la communauté scientifique. A la dernière étape de ce processus, le résumé pour les décideurs est validé ligne à ligne en assemblée plénière, en présence de tous les Etats.
Selon le collectif des climato-réalistes, « le prétendu ‘ consensus’ (du GIEC) sur la responsabilité humaine ne serait qu’un leurre », car il ne tiendrait pas compte « des opinions dissidentes essentielles à la bonne marche de la science » et portées par certains de ses membres en matière climatique.
Au contraire, pour Jean-Charles Hourcade, directeur de recherche au CNRS, le processus du GIEC, ouvert à tous les scientifiques, est « une manière forte de donner la parole aux opinions dissidentes ». Ainsi, cette méthode a permis d’aboutir à des consensus, en dépit de la présence de pays fortement hostiles à la thèse du réchauffement comme l'Arabie saoudite ou l'Amérique de George Bush. « Sans cet outil de délibération, seules, sans doute, les opinions extrêmes seraient audibles, aboutissant à un débat impossible comme pour les OGM » (comme je l’ai déjà montré ici et là), souligne Anne Bauer, journaliste aux Echos.
Qui défend des intérêts politiques ?
Pourtant, cette présence des Etats dans le processus du GIEC est critiquée par les climato-sceptiques, qui y voient un mélange des genres entre sciences et politique.
Ainsi, à propos du GIEC et des conférences climat organisée par l’ONU, István Markó estime que « la science du climat n’a rien à voir là-dedans, si ce n’est qu’elle est déformée, dénaturée et corrompue afin d’être est utilisée comme instrument politique de pression et de persuasion ». Selon lui, « il s’agit de politique, de pouvoir, de gouvernance mondiale et d’argent. De beaucoup d’argent ».
Pour les climato-réalistes, le consensus du GIEC inciterait à « des politiques irrationnelles et donc contre-productives ». Ils souhaitent « favoriser le retour à la raison dans le regard commun sur le climat ».
Ce retour à la raison passe-t-il par une plus forte valorisation de la science ? Par des méthodes ou des processus définis, en amont, destinés à favoriser la diffusion d’une connaissance la plus objective possible ? On peut en douter.
En effet, dès son texte de lancement, le collectif s’assigne comme objectif unique « de contribuer à une information francophone sur le climat », mais « qui tranche avec la litanie catastrophiste actuelle ». Elle est donc orientée vers un but déterminé, indépendant des résultats de la recherche scientifique.
Ensuite, « le collectif souhaite vivement s’élargir aux sensibilités les plus variées et incarner ainsi cette large frange de la société civile qui, au-delà de tout clivage partisan, ne se reconnaît pas — ou plus — dans les discours alarmistes et culpabilisants sur le climat ». En réunissant individus et collectifs, pour promouvoir cette idéologie, le collectif entend bien peser sur les décisions politiques.
De plus, au regard de sa liste de membre actuelle, il paraît improbable que les climato-réalistes puissent incarner des « sensibilités les plus variées ». En effet, à part les scientifiques, les organisations et personnes ayant rejoint le mouvement sont quasiment toutes issues de mouvements libéraux et/ou conservateurs (Association pour la liberté économique et le progrès social, Contribuables Associés, Institut Turgot, Liberté Chérie, Héritage et Progrès…).
Aux Etats-Unis, « la négation du réchauffement climatique s'inscrit dans une longue tradition de lobbying, lié à des positions idéologiques et non scientifiques » portées par des think-tanks, souligne Noami Oreskes (auteur de Marchands de doutes). Selon elle, les scientifiques climato-sceptiques « sont totalement opposés à l'interventionnisme étatique, c'est la raison pour laquelle ils mettent la science au service de la lutte contre la régulation. L'idée d'une gouvernance mondiale sur le climat les fait frémir ».
Avec la création du collectif des climato-réalistes, nous voyons s’amorcer en France, un mouvement comparable, où des scientifiques opposés au GIEC font cause commune avec des mouvements libéraux-conservateurs. Nous verrons s’ils rencontrent le même succès, dès les mois à venir.
Outre-Atlantique, la question du réchauffement climatique est très clivante puisque 80% des républicains sont « peu ou pas inquiets du réchauffement climatique ». En France, pour le moment, un consensus important existe puisque 80 % des personnes interrogées, en février 2015, pensent que le réchauffement de la planète est dû aux activités humaines.